Le Modern Hôtel

Une carte postale à la loupe – Episode 3 –

Désormais baptisé Hôtel Escale Océania, l’ex Modern Hôtel est le plus ancien des établissements de ce type encore en activité sur la Canebière. Contrairement aux hôtels Bristol ou Noailles, pourtant plus luxueux, le Modern Hôtel aura survécu à la crise du secteur qui a frappé la ville à partir des années 70.
Beaucoup de cartes postales l’ont illustré et de nombreuses autres ont immortalisé la Canebière à partir d’une de ses chambres. L’exposition exceptionnelle de cet hôtel lui permet, en effet,  d’offrir à ses clients une vue imprenable sur l’artère emblématique de la ville, sur la partie sud du Vieux-Port et sur la basilique de Notre Dame de la Garde.
Pour ce nouvel épisode de la rubrique « Une carte postale à la loupe », nous avons choisi cette carte postale semi-moderne que nous allons, comme il se doit, analyser dans ses moindres détails…

Le Modern Hôtel, vers la fin des années 50.

Support:
Il s’agit d’une carte postale photographique au bromure, en noir et blanc et sur papier glacé. Les bords sont dentelés (cela n’apparait pas à l’écran). La mention de l’éditeur n’apparait nulle part
Thème:
Le Modern Hôtel, le bas de la Canebière et le Vieux-Port. Photographie certainement prise depuis une des chambres de l’hôtel Bristol, situé au 16 la Canebière.
Dimensions:
14 x 9 cm

1 – Le verso

  • Le verso de la carte mentionne le « Grand Modern Hôtel », termes exacts de l’entreprise déposés au Registre National du Commerce en octobre 1957. Les détails qui suivent, adresse, téléphone…indiquent qu’il s’agit certainement d’une carte postale publicitaire que l’on pouvait se procurer à l’accueil de l’établissement.
  • En guise de séparation entre la zone du texte et celle réservée à l’adresse apparait le nom de l’éditeur: la Société Editions de France, situé au 2 rue Clapier non loin de la gare St Charles. Devenu la Société Nouvelle des Éditions de France dans les années 70, l’éditeur cesse ses activités en juillet 1985. 
    Le logo plus bas indique que la photo est signée Ryner.
  • Le timbre postal de 0,20 centimes est la semeuse de Piel d’après Roty dont la première émission date de janvier 1960 (sources Timbres de France).
  • Le timbre à date, originaire du bureau-gare de Marseille Gare, indique que la carte a été prise en charge le 8 août 1961 à 11h15. C’est toujours une bonne indication si l’on veut dater la prise de vue de la carte qui est, par conséquent, antérieure à août 1961.
    Le bâtiment de Marseille Gare, situé sur la rue Honnorat n’existe plus: construit en 1912 puis agrandi en 1930,  il a été entièrement démoli en 2008.
  • La flamme philatélique met en avant la ville comme point de départ pour le monde entier: elle se présente sous la forme de Notre Dame de la Garde positionnée au centre des quatre points cardinaux, et accompagnée du slogan: « Toutes destinations par Marseille »
  • L’adresse de la correspondance indique le chemin de Crépieux à Caluire. Cette commune est située au nord de Lyon et a pour appellation officielle Caluire et Cuire. Le résistant Jean Moulin y fut arrêté par la Gestapo en juin 1943.

2 – Le dôme et la tourelle

A présent, retournons la carte et saisissons nous de notre vieille loupe.
Au sommet de l’hôtel, sous le dôme, nous voyons distinctement les chiffres romains suivants:  MDCCCLXXXXV, soit 1885. Sur l’autre façade, nous avons: MDCCCLXXXXIV, c’est à dire 1884 en chiffres arabes. 1884-1885…sont-elles les dates de construction de l’immeuble, ou celles de l’ajout du dôme et de sa tourelle, qui ne figuraient pas sur le bâtiment originel? La réponse est donnée plus loin. Aujourd’hui, si le dôme est toujours présent, la tourelle a quant à elle disparu.

3 – Le bar-restaurant Roman

Au pied de l’immeuble, le bar restaurant Roman devant lequel sont garés des Peugeot 203, 403 et des Citroën DS. Sur le store extérieur de l’établissement figure la marque La Zenia, une bière marseillaise produite par la brasserie du Zénith. Située dans le quartier de St Joseph dans le 14ème arrondissement, la brasserie fermera ses portes en 1966. Aujourd’hui, à la place du Roman se trouve, certainement moins convivial, un établissement bancaire.

4 – Les immeubles du Pharo

Nous sommes en plein cœur d’une période de construction effrénée qui va s’étaler de 1950 à 1970. Aux quatre coins de la ville, des immeubles et des tours d’habitation vont surgir de terre comme des champignons. Le quartier du Pharo-Catalans n’échappe pas à la règle, comme nous pouvons le constater sur cette carte postale.
Au centre, la Tour du Pharo, haute de 55m, et construite en 1955.
A sa gauche, la tour de 15 étages du groupe des Catalans, d’une hauteur proche de 50 mètres. L’ensemble a été construits en 1955 et se situe entre les rues Papety et César Aleman.
Enfin à droite, un des bâtiments de l’ensemble Catalans Plage, haut de 39 mètres, et dont la construction semble être sur le point d’être terminée.

5 – La fourgonnette Olida

Les plus jeunes d’entre nous ignorent sans doute que l’entreprise Olida a régné sans partage pendant prêt d’un siècle dans le domaine de la charcuterie-salaison, avant d’être absorbée par Fleury-Michon au début des années 90. L’entreprise a possédé plusieurs unités de production dont une située à Aubagne, d’où vient certainement ce véhicule de livraison.
Au dessus, le sens des flottement des drapeaux indique qu’un léger mistral souffle sur le Lacydon.

6 – Le candélabre disparu

Le 9 octobre 1934, le roi Alexandre 1er de Yougoslavie est assassiné devant le Palais de la Bourse. Dans les mois qui ont suivi, des plaques commémoratives en bronze ont été installées sur les deux candélabres se trouvant de chaque côté de la place de la Bourse. Au bas de la carte, vous voyez la partie supérieure d’une d’entre elles. Ce candélabre sera retiré quelques années plus tard, emportant avec lui, ses deux plaques commémoratives.

7 – L’hôtel Bellevue

Quel est ce bâtiment blanc que l’on aperçoit au loin, entre l’immeuble qui abrite le Modern Hôtel et le palais de la Bourse? Il s’agit de l’hôtel Bellevue, situé sur le quai du Port. Toujours en activité en 2025, l’établissement est certainement, avec l’hôtel Peron, le plus ancien hôtel marseillais ayant gardé son nom d’origine. Épargné par les bombardements et la destruction du quartier durant la seconde guerre mondiale, il côtoie sur la carte les récents immeubles construits en 1955 dans le cadre de la reconstruction du Vieux-Port.

8 – Le facteur

Devant l’entrée du Central Canebière, qui n’héberge non pas un central téléphonique mais un établissement de domiciliation d’entreprises, un facteur s’affaire devant son chariot-tricycle estampillé « Service des Postes ». D’après les ombres visibles sur la carte, nous sommes sans doute en seconde partie de matinée. La tournée du postier est sur le point de s’achever. Il ne va plus tarder à revenir à la Poste Colbert, située à quelques dizaines de mètres, pour y « rendre ses comptes ». Mais peut-être devra t’il faire un retour en fin d’après midi pour la levée des boites aux lettres?

Le Modern Hôtel aux origines

Ces deux cartes datent de la fin du XIXème siècle. Le palais de la Bourse a été achevée vers 1860. Le futur Modern Hôtel n’a pas encore été surélevé d’un étage et doté d’une tourelle. Ce sera chose faite en 1885, si l’on en croit les inscriptions murales évoquées plus haut.

Le Modern Hôtel sous tous les angles

Voici diverses cartes postales liées, de près ou de loin, au Modern Hôtel.

Le Modern Hôtel, victime d’une usurpation d’identité!

Cela peut paraitre impensable de nos jours, mais le Modern Hôtel a été longtemps la victime d’une usurpation d’identité, par cartes postales interposées et ce, semble t’il, en toute impunité. Et qui plus est, opérée par un voisin et collègue, l’Hôtel de Genève!
Situé à quelques dizaines de mètres au nord du Modern Hôtel, l’hôtel de Genève ne possède certes  pas l’exposition idéale de son voisin. En revanche, certaines de ses chambres offrent une vue magnifique sur le Vieux Port que le Modern Hôtel pourrait même lui envier. Mais, cela ne l’aura pas empêché, durant de longues années, de littéralement apparaitre sur maintes cartes postales et publicités, en lieu et place du Modern Hôtel, comme en attestent les cartes postales suivantes.

Le Modern Hôtel au XXIème siècle

Désormais nommé Escale Océania Marseille, l’hôtel qui offre 45 chambres, est classé 3 étoiles et se situe donc dans le milieu de gamme / supérieur.
La Marsiale tient à souligner que cet article n’a pas été sponsorisé ou commandé par la direction actuelle de l’hôtel et certifie qu’il n’a pas été publié en échange d’une nuit dans leur suite située sous les toits (..au grand regret de l’auteur de cet article)

Quelques liens qui m’ont été utiles pour la rédaction de l’article

Un point de vue unique

Le Modern Hôtel offre une vue remarquable sur la Canebière et de tous temps, les éditeurs de cartes postales en ont tiré profit. La plus célèbre avenue marseillaise s’affiche en effet, presque en totalité, du palais de la Bourse jusqu’à l’église Saint Vincent de Paul.

La Canebière vue du Modern Hôtel
Vue de la Canebière et de la place de la Bourse à partir du Modern Hôtel.
La Canebière de nuit vue du Modern Hôtel
Le Modern Hôtel offre aux éditeurs de cartes postales une perspective remarquable sur la Canebière, de jour... comme de nuit.

Un sujet intéressant

La vue sur la Canebière ne constitue pas le seul atout pour les éditeurs de cartes postales. L’hôtel lui-même a quelques fois été le sujet principal de leurs productions, comme en atteste l’objet de cet article. En voici d’autres exemples.

Le Modern Hôtel et le transbordeur
Le Modern Hôtel et le transbordeur en toile de fond. Cette photo a certainement été prise avant 1934, les plaques commémoratives relatives à l'assassinat du roi Alexandre 1er étant absentes des candélabres.
Le Modern Hôtel par Mireille
Sur cette carte signée de l'éditeur marseillais Mireille, le transbordeur a disparu et les immeubles du Pharo ne sont pas encore sortis de terre: nous sommes certainement dans le milieu des années 50.
Le Modern Hôtel dans les années 70
Le Modern Hôtel dans les années 70. La tourelle au dessus du dôme a disparu.