Le côté sombre du télescaphe
A la suite de notre article sur le télescaphe, paru initialement sur le site vieux-marseille.com, nous avons reçu de nombreux témoignages. Si la plupart évoque des beaux souvenirs de jeunesse, d’autres font état d’incidents survenus lors d’une plongée en télécabine, et qui auront marqué durablement leur auteur. A une exception près, celle décrite plus bas, la presse locale n’a que peu relaté ces incidents qui semblent avoir été plus nombreux que l’on veut bien le croire.
Le télescaphe a fermé en 1968, après une seule année d’exploitation. Pour expliquer cet arrêt brutal, on a avancé des soucis économiques, ou l’impossibilité de trouver sur place des personnes compétentes nécessitant, pour les deux « inventeurs », des va-et-vient incessants entre la Haute Savoie et Marseille. Des incidents à répétition ont peut-être aussi fini par lasser les entrepreneurs…
N’hésitez pas, vous aussi, à nous faire part de l’expérience que vous avez vécu, ou l’un de vos proches, par le formulaire contact.
Je dois être un des derniers plongeurs Marseillais a avoir plongé autour des cabines. J’avais 17 ans et je commençais à plonger au club des amis des îles a proximité. Très bons souvenirs.
Gilles Roux
Février 2020
Dans la plupart des documents relatant l’histoire du télescaphe (on disait batiscaphe à Marseille à l’époque) il est fait état de « soi-disant incidents »… ce n’était pas bon de parler d’accident car cela aurait nui à l’image des inventeurs et peut-être freiné l’engouement des visiteurs…. Or je suis une « rescapée » d’un accident du télescaphe peu avant son arrêt définitif.
C’était en été 1967 ou 1968. Notre oncle de St Julien chez lequel nous passions nos vacances nous avait amené faire notre « baptême » de plongée au télescaphe de Callelongue ! La cabine qui nous précédait s’est retournée et nous sommes restés coincés sous l’eau si longtemps que nous n’avions plus d’air pour respirer (nous étions 5 (1 adulte, 2 ados et 2 enfants ) et les seuls « poissons » que nous ayons vus étaient une femme en robe et sandales et un homme habillé et chaussé également qui étaient en train de se noyer et tentaient de remonter à la surface ! Je me souviens que ma petite cousine avait dit stupéfaite : « Oh regarde le Monsieur, il nage avec la montre ! », elle n’avait pas compris qu’ils avaient été « éjectés » de leur cabine. (les montres de ville étanches n’étaient pas monnaie courante à l’époque) et bizarrement c’est cette montre qui l’avait choquée et non pas le fait que les personnes nagent avec leurs vêtements. J’avoue que je n’ai pas réalisé non plus tout de suite ce qui était en train de se passer sous nos yeux ! La cabine de ces gens s’était retournée et empêchait désormais les autres cabines d’avancer.
Pour notre part, nous étions en train de descendre et sommes restés bloqués sous l’eau. Après de longues tentatives, en tirant sur les câbles les secours avaient réussi à faire sortir partiellement notre cabine des flots. Notre oncle qui était bien conscient du danger nous disait de ne pas parler pour économiser l’air. Il tapait avec sa canne sur le haut de la cabine pour tenter de faire céder la vitre et interpeler les secours. Il avait fallu encore un bon moment avant que quelqu’un parvienne à défaire les écrous d’un espèce de hublot étanche situé sur le dessus de la cabine pour l’ouvrir et nous permettre enfin de respirer car nous suffoquions. Ensuite, comme notre cabine ne pouvait plus remonter à la gare de départ puisque plus rien ne fonctionnait (elle flottait encore en partie dans la mer) ont nous a fait sortir par ce petit hublot. Les pompiers ont installé de grandes échelles posées d’une part sur les rochers près de la côte, d’autre part sur la cabine et ma sœur et moi avons du marcher à quatre pattes sur cette échelle posée horizontalement sur les flots mais très haute par rapport à la mer pour atteindre enfin la terre ferme.
Après ces moments d’attente interminables dans la cabine et l’angoisse générée c’était doublement effrayant de passer sur cette échelle avec toute cette eau au-dessous. On ne savait pas nager et on n’avait aucune protection si ce n’est un pompier qui nous précédait ou nous suivait pour nous guider. Mes 2 petites cousines ont été portées sur le dos des pompiers, quant à notre oncle qui était handicapé de la hanche il a eu beaucoup de mal à être extirpé de la cabine et cela avait été très compliqué de lui faire franchir l’échelle de fortune, qui bougeait sans cesse.
J’avais 14 ans au moment des faits et cet événement m’a énormément marquée. Je lui dois je pense d’avoir été claustrophobe et de ne pas être à l’aise dans l’eau toute ma vie. Pour nous « dédommager » on nous avait offert un sirop, je n’ai pas le souvenir que les places aient été remboursées, peut-être ? Si c’était aujourd’hui….
Je ne sais pas ce qu’il est advenu des personnes que nous avions vu dans l’eau. Étant donné le temps qu’a pris notre sauvetage ils avaient du être pris en charge avant notre retour et notre oncle nous a tenu loin des journalistes car il ne voulait pas que notre photo apparaisse dans le journal. Ma tante ne savait pas qu’il nous avait emmenées là, nous avions été beaucoup retardés par cet accident et elle allait sûrement nous questionner sur cette heure tardive de retour. Nous avions pour consigne de ne rien dire, mais nos airs dépités et les paroles innocentes d’une enfant avaient fini par nous trahir.
Notre oncle s’en voulait d’avoir mis en péril la vie de ses petites filles et nièces lui qui se faisait un plaisir de nous offrir ce voyage avant-gardiste. Il ne tenait donc pas à ce qu’on fasse la une du Provençal, même si naturellement il y a eu un article relatant « l’incident » le lendemain.
Alors oui, des accidents il y en a eu, au moins celui-là puisque je l’ai vécu et que nous sommes encore 4 à ne l’avoir jamais oublié.
Voilà, à l’heure ou on reparle du téléscaphe, j’avais envie de vous relater cet évènement.
Andrée
Août 2021
J’ai été témoin oculaire de l’accident survenu au télescaphe et j’ai secouru des passagers de la cabine dont le hublot a été mal fermé et les touristes ont du regagner à la nage le rivage. Une enquête judiciaire et administrative ont été entreprises et depuis le télescaphe a été interdit.
Malheureusement je n’ai pas retrouvé l’article de presse pour la date de cet accident, toutefois je peux la fixer entre juillet août, car je me trouvais à cette époque à Marseille. Depuis de nombreux déplacements à l’étranger m’ont obligé à faire du tri dans mes archives, seules les photos ont été retrouvées. Mes recherches se poursuivent et je ne manquerai pas de vous adresser des informations complémentaires en cas de découverte. Toutefois, le siège du journal était situé dans un immeuble où l’entrée se trouvait dans l’angle, avec une légère montée d’escaliers, je ne me souviens plus du nom.
Merci à vous pour votre engagement dans l’article que vous concentrez au télescaphe et qui solutionnera certaines questions au sujet de la fermeture de ce site. Même la gendarmerie maritime de Marseille ignorait cette situation, seuls les vestiges sont restés ancrés dans les rochers.
Claude Bafrey
Juin 2023
(Nous remercions M.Bafrey de nous avoir fait parvenir des photos de l’incident)