A la recherche de la rue Canebière

Comme nous l’avons vu (voir l’article), la Canebière telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existe que depuis 1927. Elle est le fruit de la fusion de la rue Cannebière, de la rue de Noailles et des allées de Meilhan. Près d’un siècle plus tard, existe-t-il encore des vestiges de ces voies aujourd’hui disparues? Pour le savoir, notre reporter a revêtu sa « tenue d’étranger » pour aller enquêter sur l’artère emblématique de Marseille.

La rue Cannebière

Me voilà arrivé sur le Vieux-port rénové, désormais doté de son ombrière signée de l’architecte Norman Foster, à qui l’on doit le viaduc de Millau.
La configuration des lieux n’avait guère évolué depuis le début des années 50 et la création des nouveaux jardins. Il aura fallu les travaux du métro dans les années 70 pour que la quai de la Fraternité soit remodelé, principalement au profit, d’ailleurs, de la circulation automobile.
C’est donc ici que prenait naissance l’ancienne rue Cannebière. Je m’engage dans l’avenue, scrutant méticuleusement les murs rénovés des immeubles à la recherche d’un quelconque indice, en vain. A l’angle de la rue Beauveau, une plaque moderne et bleue indique simplement « Canebière » sans l’article. Je continue vers le square Charles de Gaulle, lieu de l’attentat de 1934, passe devant l’immeuble qui, jadis, abritait l’hôtel Bristol. Je traverse la rue St Férréol puis rapidement, me retrouve au cours St Louis: c’est ici que prenait fin, avant 1927, la rue Cannebière. Aucune trace de cette ancienne appellation. Je décide donc de revenir sur mes pas, cette fois-ci sur le trottoir d’en face. Au niveau du passage vers le Centre Bourse, mon regard est attiré par une plaque placée en hauteur, en face, à l’angle de la rue St Férréol. Du fait de sa situation haute, on ne peux la voir qu’avec le recul nécessaire et c’est pourquoi, elle m’avait échappé auparavant. Je saisis mon appareil photo et enclenche le zoom pour observer les détails. Euréka! Sur cette plaque ancienne est inscrite: Rue Canebière, mais avec qu’un seul n..alors qu’à l’époque où elle s’appelait ainsi, on l’orthographiait avec 2n. Mais en regardant plus minutieusement, je m’aperçois que la plaque a été retouchée: la couleur bleue est différente entre le haut et le bas ainsi que les polices de caractères. La conclusion est toute simple: plutôt que de changer de plaque, certainement solidement fixée au mur, on a préféré garder celle mise en place au début du siècle dernier après avoir corrigé le nom Cannebière par Canebière avec un seul « n ».

La rue de Noailles

Pour la rue Cannebière, c’est fait. Passons dès à présent à la deuxième quête: la rue de Noailles. De nombreux établissements prestigieux occupaient jadis cette artère: les Nouvelles Galeries, l’hôtel du Louvre et de la Paix, le Grand Hôtel, l’Hôtel Noailles. Nadar père, célèbre photographe, y possédait même un atelier. Hélas,  les recherches d’anciennes traces de cette voie disparue sont restées vaines: pas d’ancienne plaque oublié à l’angle d’une rue, pas d’inscription partiellement effacée, rien de tout cela. Certes, Noailles désigne désormais le quartier qui abrite le marché des capucins, à deux pas de la Canebière, mais pas de vestiges visuels témoignant de l’ancienne appellation des lieux. Seule, la boutique de torréfaction Noailles, située au 56 la Canebière semble perpétuer l’ancienne dénomination de cette partie du cours: par son nom, mais également par sa marquise très caractéristique et son mobilier intérieur qui vous feront faire un saut dans le passé, tout en dégustant un café maison. Détail amusant: cette boutique de torréfaction Noailles a été fondée en 1927, l’année même où l’appellation rue de  Noailles a disparu, au profit de Canebière…

Les allées de Meilhan

L’échec de la rue de Noailles ne doit pas me détourner de ma troisième mission: retrouver des indices sur place prouvant que cette partie de la Canebière avait eu, jadis,  pour nom les allées de Meilhan. Une carte postale récente en ma possession me fait dire que cette dernière quête sera plus aisée. En effet, cette ancienne dénomination, abandonnée depuis près d’un siècle, est encore mystérieusement utilisée de nos jours pour localiser le marché ou les manifestations telles les brocantes qui ont lieu sur place. Et cette carte postale moderne en est la parfaite illustration.
Je quitte donc la partie « Noailles » et remonte l’artère, après avoir traversé le boulevard Dugommier, en direction de l’église St Vincent. La contre allée et les arbres nombreux font que cette partie de la Canebière ne ressemble en rien aux deux autres déjà parcourues. Les transformations successives des façades et leur ravalement ne laissent malheureusement que peu d’espoir de retrouver un indice matériel épargné par le temps. Résigné, j’arrive au bout de l’artère, tout à fait « en haut », au pied même de l’église des Réformés.
Et c’est en regardant vers la rue Adolphe Thiers, que j’aperçois, placé en hauteur sur un mur défraichi, quelques centimètres au dessus d’une plaque « officielle » mentionnant « la Canebière », un support émaillé, bleue nuit, sur lequel sont inscrits les mots suivants: ALLÉES DE MEILHAN.

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